LES GENS SONT NUS LA NUIT

Lui :

 

Je l'avais pas du tout remarqué au début. Non.

C'était plutôt un pote du groupe avec qui j’étais, qui s’était foutue de sa gueule et avait discrètement fait un signe de tête en sa direction. C’était comme ça que je l'avais vue la première fois : habillée court. Ça dépassait de partout. J'avais tout de suite adoré.

Je ne pouvais pas m’empêcher de saisir deux ou trois petites occasions de l'observer au dessus de l'épaules de mon pote. Il avait suffit d'un seul échange de regards entre nous tous pour rire comme de connards pas discrets. On était tous tombés d'accord que sa copine était super bonne et on a ri très fort – en tout cas moi j'avais surjoué le truc – parce que j’étais encore sobre ça me faisait chier. Et après on s’était tous mis d'accord que sa copine serait pour moi et j'avais montré à coups de grands gestes tendancieux les projets que j'avais pour la suite de la soirée. Et après encore, on a ri encore plus fort – et j'avais parlé d'une bite éventuelle – car clairement on était à cour de discussion.

J'avais inspiré et expiré un grand coup. Deux fois en cinq minutes. C 'était toujours ce que je faisais quand je savais pas quoi faire d'autre. Par ennuie. Et contracter et relâcher mes fesses quelques secondes aussi, car j'avais toujours un coin de plage en été à préparer dans ma tête.

Je continuais d'observer la grosse par intermittence. Elle bouffait beaucoup.

 

 

Elle :

 

C'est ma conne de pote qui l'avait vu. Moi non. Elle l'avait repéré dés le début. Elle l'avait sentie grâce à un super pouvoir d'ovulation sûrement. On était à peine assises qu'elle m'avait déjà fait discrètement un signe de la tête vers lui, ses yeux plissés comme un putain de personnage de porno japonais et la main sur la bouche. Elle m'avait dit de le regarder mais surtout sans le regarder. Donc je l'avais regardé en le regardant. Une vraie tête de con accompagnée de ses copains les autres têtes de cons aussi.

Elle voulait absolument lui parler. Alors je devais le faire. Elle osait pas, mais moi je pouvais. Je n’étais pas un obstacle. Pas un risque.

En face de nous. Ils se ressemblaient tous. Un bon groupe suintant les sextos et cherchant les followers à follower.

Tous là sans exception, se la mesurant sûrement entre eux aux chiottes, se matant dans les vestiaires. La masculinité moderne mais pas trop, baignait dans sa sueur sans poiles sous les bras . La testostérone en litres de pisse. Ils étaient des êtres parfaits dans un endroit parfait. J'avais carrément rien a faire avec eux dans cette pièce. Même dans cette vie.

Je m’étais tout d'un coup sentie comme seule sous la pluie au fond d'une cours d’école quand la maîtresse m'avait oubliée. Ça m’était jamais arrivée. J'avais rapidement balayé cette impression d'odeur de chien mouillé avec un troisième verre cul sec et deux autres poignets de cacahuète . J'aimais que mes lèvres gercés brûlent sous l'effet du sel. Un petit plaisir personnel.

Avant d'aller vers lui. J'avais tiré fort sur mon pull. Je sentais mon slip qui me rentrait dans le cul. C’était désagréable. J’étais sure qu'il était PD et j'avais soif.

Il me regardait .

 

Lui :

 

J'avais pas compris vers ou elle allait. Elle arrivait vers nous. J'ai regardé derrière moi pour être sure. C’était vraiment vers moi en fait. La soirée sentait le pourrie, alors pourquoi pas. Je comptais rire un peu. Ma grosse venait tenter ce qu'elle ne pouvait pas avec se couple de mec et sa main dans le derrière de jupe. C’était marrant. Je la voyais s'approcher et je lui avais fait un sourire un peu narquois de premier abord, mais plein de malice. Le truc c’était de légèrement remonter la lèvre supérieure dans un subtil pincement pour mettre en valeur l'une des deux pommettes au choix. Des selfies inspirants.

Elle arrivait donc vers moi pour finalement se péter la gueule à mes pieds. On avait rigolé par réflexe après avoir été interdits l'espace d'un instant. J'avais hésité à la relever parce qu'elle devait rester là ou elle appartenait selon moi. C’était terrible mais sincère. J'avais tendu la main vers elle et j’avais bien vu son regard perdu. Ça m'avait fait un truc. Et elle m'avait violemment repoussé la main. J’étais vexé. C’était quoi ? Une putain de féministe autonome qui avait pas besoin de l'aide d'un mec. Hey bien elle n'avait qu'à se relever toute seule la Gourdasse. Moi, c’était la copine que je voulais baiser. Et la Gourdasse s’était exécutée : Elle s’était relevée tout doucement et naturellement. Comme ci rien n’était. Il fallait croire que c’était plus rare pour elle d’être debout. Ça poussait à l'admiration mais en vrai je me sentais plus fort. J’étais satisfait.

 

Elle :

 

Il voulait m'aider à me relever et faire le gars bien ! Donc c’était ça le truc ? On se marrait d'abord avec ses petits chéris et seulement ensuite on donnait le change . Je voulais qu'il se fasse foutre avec le premier truc qui me passerait sous la main. J'avais mal au genou .Je l'avais regardé rapidement. C'était moche. Je m’étais relevée ensuite parce qu'il fallait bien le faire à un moment donné. J’étais encerclée des gens qui réprimaient leurs rires dans leurs yeux mouillés. Y 'avait un trou dans mon collant et dans mon ego, mais au niveau de la rotule surtout. J'avais chaud.

Il m'avait tout de même demandé si ça allait. BEN NON DUCON ! Ça n'allait pas. J'avais une moitié d'incisive pétée. Il y avait un truc dans son regard l'espace d'un instant. Je crois, vu d'en bas j’étais pas bien sure.

 

Lui :

 

Elle était silencieuse plantée au milieu de nous tous, stupéfaite, la gueule, la bouche et le genoux en sang. Une Jeanne d'arc qui regardait l'allumette à ses pieds. Droite. Pendant une seconde je l'ai admiré . Elle s’était relevée dignement et lentement. Pour rien au monde j'aurais aimé être à sa place à moment là. Ni jamais, ni personne d'ailleurs. Elle avait passé un coup sur sa bouche avec sa manche. Il y avait un peu de morve mélangé à la salive et au sang de sa gencive. Elle avait passé encore un autre coup et étalé tout l'amalgame de mucus le long de son autre manche . Ca faisait un joli tracé brillant sur laine synthétique.

 

Elle :

 

J'avais ouvert la bouche mais aucun son n'était sorti tout de suite. J'avais aussi senti le bout de ma dent partir dans une coulée chaude au fin fond de ma gorge. C’était la fin du monde, et le début du leur. Gloire aux connards ! Une réorganisation immédiate de l’échelle et la hiérarchisation du médiocre. Je les voyais de tout en bas. Ils étaient la haut. J'étais une toute petite fourmi. Ils avaient une loupe au soleil et attendaient la convergence des rayons. Bref, on comprenait que je me sentais comme une merde bien étalée. Je lui avait dit que si il voulait venir avec nous.. voilà quoi, à notre table là bas, boire un coup vite fait... et voila quoi nous tenir compagnie à ma copine et moi ... Si il voulait quoi. Que ce serait pas mal.

Non.

En réalité, je m’étais contentée de rester cool et arrogante: c’était à dire tenir debout

J'avais remarqué Trois gouttes de sang à des distances parfaites l'une d'elles sur le sol.

 

Lui :

 

Cette petite coulée rosâtre sur le menton était grandiose . Je profitais de chaque minute de ce qu'elle m'offrait. Un régal. Je récapitulais dans ma tête : Elle était venue vers nous puis s’était éclaté comme une merde à mes pieds. S’était relevée en sang comme dans un roman de Stephen King et m'invitait quand même à la rejoindre à sa table avec sa copine. J'avais accepté .J'avais suivi. Elle avait un cul aussi gros de derrière que devant. Ça n'avait pas de sens et donc le signe de l'efficacité de la sixième pinte. Le mépris m'avait lassé. Un relent de culpabilité m'avait fait éprouvé un début de peine. J'avais été dur. Ces filles là sont généreuse au lit, à cause de sentiment d’insécurités et d'abandons. Je me rendais compte que je ne m’étais jamais fait de grosses, les femmes enceintes, mais c’était pas pareil.

 

Elle :

 

Voilà, c’était fait, il était avec nous. Wow. Chouette. Ma pote s’était quand même un peu inquiétée du trou dans mon collant avant de rougir comme une bouffonne et se redresser sur son fauteuil. Elle me faisait honte. Sa culotte était peut être déjà au niveau de ses chevilles.

Elle avait ouvert le bal sur deux, trois banalités en trouvant le moyen de laisser entrevoir qu'elle ne portait de soutien gorge. Lui l’écoutait et la complimentait avec un sourire monstrueux qui allait sur un seul coté de son visage. J'avais mal à la gueule et me rinçait la bouche à coup d'eau. Ça m'a brûlé parce que c’était de la vodka. Je me prenais la tête à trouver des mots utiles à dire qui ne sollicitaient pas une articulation sophistiquée ni un besoin total de l'utilisation de ma bouche.Peu de mots de la langue française n'avaient été pensé pour ça. Ils en avaient rien à foutre. J'ai collé ma langue contre mes incisives. Une partie de l’émail avait sautée.

 

Lui :

 

La copine de la grosse était beaucoup moins belle de près mais avait de gros seins. C’était très chiant ce qu'elle racontait mais les signaux principaux entre moi et elle étaient passés. Je sentais les potes au loin qui nous observaient. Je les regardais toutes les deux et je me demandais ce qu'elles pouvaient bien avoir en commun. Sur quoi leur relation était basée. Une salope facile et une autre qui essayait de l’être . Elles étaient opposée en tout : vêtements, les manières, la façon de parler. La grosse semblait ailleurs, la main sur la bouche, et la lumière la rendait encore plus pale. Je changeais d'avis.

 

Elle :

 

Je souffrais de tout en silence. De ma gueule, de leurs présences, du lieu, surtout de douleur.

Je pensais à ma dent dans l'estomac. J'avais mal, je voulais les tuer . Même si c’était la douleur qui parlait bien que je pensais en pleine conscience que leur conversation était si pénible qu'ils méritaient de mourir. Éviter à l'humanité que ces deux la nous fassent un flaupé de gosses attardés. Alors que je leur épargnais une mort atroce. Je n'avais pas l'air d’être une source d’inquiétudes. J'avais eu le temps d'aller aux chiottes me nettoyer le genoux, me regarder dans le miroir. Je passais de larges coups d'eau sur le visage. Me suis regardée encore. Respirer deux coup mécaniquement ...attendre juste pour vérifier que mon corps le faisait bien automatiquement. Me calmer aussi J’étais revenue. Ils n'avaient même pas remarqué que j’étais partie. Les deux se regardaient dans les yeux, lui regardait plus bas, elle était ravie. Il en était à parler de son métier de coach sportif. Étonnant ! Elle l’écoutait mais réfléchissait déjà à la manière de tenir l’équilibre debout dans un hall d'escalier ou sur une machine à laver en marche. C’était une créative. Et la pilule qu'elle me disait ne plus prendre prenait à cause de «  ça m'a fait grossir ».

 

 

Lui :

 

Elle racontait pas grands choses. Je l’écoutais pas et comblais les quelques silences en parlant de moi. J'avais remarqué que la grosse s’était absentée un petit moment sans prévenir. J'allais presque demander si elle allait bien mais je ne l'avais pas fait. J'avais continué sur les abdos-fessiers et l'endurance qui résumait la philosophie du fitness. Je m’étais surpris à m’inquiéter de pas la voir revenir tout de suite, puis elle était revenue sans nous regarder. Elle s’était rassise dans le coin de ma vision. Un peu plus à coté de moi. Encore plus pale, les cheveux mouillés. Sous cette lumière elle n’était plus la même. Comme si elle s’était arrachée une combinaison de chair pour en enfiler une autre. J'imaginais une grosse flaque de muscles et d’épiderme sur le sol. Dégueulasse.

 

Elle :

 

Ils me faisaient chier les deux. Deux pantins qui allaient se grimper dessus comme des sauvages dans quelques dizaines de minutes. Ils n'en pouvaient plus déjà. Dévorés par la peur de mourir ou vieillir ou de ce que disaient l'horoscope du jour. Dans ce plan à trois, j'attendais au pied du lit qu'ils finissent. Il semblait plus humain que tout à l'heure, malgré son air encore plus stupide. Le son de sa voix expliquait la meilleure façon d'assimiler des protéines naturelles (on en était la) et me transportait totalement . Je venais de le condamner à mort de nouveau, mais d'une mort moins définitive cette fois. Je le comprenais mieux et lui donnais un peu de circonstances : une beauté et un look cycliques et qui allaient passer de mode d'ici l'année prochaine et encore, et encore . Il était temporaire et obéissant, il ne le savait juste pas. Ma tête tournait mais c’était nettement plus tolérable une fois que je m’étais convaincue que c’était plutôt la table. Je m’étais agrippée pour garder l’équilibre. L'univers me demandait de rentrer me faire des pâtes, de les bouffer directement à la casserole, me toucher un peu et m'endormir toute habillée. C’était le message exacte. Elle enchaînait sur des questionnements pertinents à propos jeûne intermittent quand j'avais pris la décision de me lever. Cette décision m'avait prise déjà pas mal d’énergie. Je devais me reposer un peu avant. Je fermais les yeux pour recenser toutes les possibilités du projet et prendre en compte tous les paramètres.

 

Lui :

 

L'autre en face continuait de me parler de la salade qu'elle bouffait un jour sur deux, des litres d'eau qu'elle s'envoyait et alors que je lui souhaitais noyade sèche et la fin de l'agriculture bio, je remarquais sur le coté que Jeanne d'arc avait les yeux fermés, les mains tenant fermement la table. Elle s'endormait ou allait tomber. C’était l'un ou l'autre mais dans les deux cas il fallait un sol encore une fois. Madame toxines s’était enfin inquiétée de l’existence de son animal de compagnie  lui demandant si elle allait bien ou... .sa phrase en suspend n'envisageait même pas l’hypothèse inconcevable de la raccompagner. Alors je l'ai fait. Je voulais la raccompagner. La vulnérabilité me touchait .. ou m’exciterait ce serait selon.

 

Elle :

 

La vodka avait un effet anesthésiant. Mes paupières étaient trop lourdes pour remplir les fonctions. Mes yeux restaient fermés. J'avais tenté trois fois de me lever. C’était ce que j'avais cru en tout cas. J'avais accepté la proposition de la tête de con. Je pouvais pas faire autrement. Il fallait tout brûler ici ou tout simplement rentrer. La première hypothèse avait été plus simple. J'avais donc jeté mon fond de vodka dans les cheveux de l'autre connasse et pris mon briquet. Une torche humaine lumineuse et brillante. C’était ce que j'avais cru en tout cas. Mais non, J'avais vomi. Comme ça. Sur la table.

Dans une belle cascade inattendue. J'avais vu le jet sortir de ma bouche au ralenti. Les hurlements plaintifs et effarés étaient couverts d'un bourdonnement. J'avais perdu connaissance.

 

Kinza HUXLEY

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